LE MASQUE DE L'ARAIGNÉE



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DÉFI DU SAMEDI 
SUJET  # 148

PHOTOGRAPHIE N °  4 - 
MOT : BOURDONNEMENT 






LE MASQUE DE L'ARAIGNÉE 



Il y a des souvenirs qui ne s'effacent jamais, qui rampent dans l'ombre tel un acarien sous les draps. Celui-là, je ne peux l'oublier. Le jour où mon père est entré dans la maison, le souffle court, les yeux fous et les mains tremblantes. Il n'a pas dit un mot, juste claqué la porte, tiré les verrous, cloué les volets. En un instant, notre monde est devenu noir comme si une araignée avait tiré sur les fils de sa toile pour nous y engluer.

Le temps s'est dissout dans l'obscurité. Les jours n'avaient plus de fin, les nuits plus de commencement. Nous marchions sur la pointe des pieds, le cœur battant à chaque craquement de bois. Pas de feu, pas d'odeur, pas de son ... juste le silence et la peur. 

Mon père devenait un autre homme. Il écoutait sa radio pareillement à un conspirateur : Son oreille collée au poste, le volume si bas que l'on n'entendait qu'un bourdonnement tenu, presque insidieux. Ce son vibrait dans la pénombre semblable au chant obsédant de la toile qui nous retenait prisonniers. 
Chaque fois que je posais une question, ses yeux s'assombrissaient. Il me regardait comme si le simple fait de parler pouvait déclencher la morsure du prédateur. 

Puis un matin, le bourdonnement s'est tu. Mon père s'est levé, redressé comme si une chaîne invisible venait d'être brisée. " Ils l'ont eu ", a-t-il soufflé. Jacques Mesrine. Le masque était tombé. L'araignée n'était plus qu'un cadavre dans sa toile, son venin neutralisé. 

Mais si la lumière a percé notre nuit, elle n'a pas dissipé toutes les ombres. La maison sentait encore la peur. Et dans les yeux de mon père, une part d'obscurité restait scellée à jamais. 

Lorsque l'araignée tombe, 
sa toile ne disparaît pas  ... 
elle continue de vibrer dans ceux qu'elle a pris. 


MARIE SYLVIE 





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Commentaires

  1. Ah oui, l'ennemi public n°1, tué au volant de sa voiture dans Paris, criblé de balles, ça a fait grand bruit.... Mais ces gens-là, un jour ou l'autre.... amitiés, jill

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  2. Des souvenirs qui dateraient de novembre 1979, Marie-Sylvie ???
    Vous deviez habiter en région parisienne pour que ton père ait aussi peur.
    J'avais suivi la cavale de Mesrine à cette époque-là.
    En 2008, Vincent Cassel incarnera ce criminel en 2008, dans L'Instinct de mort et L'Ennemi public nº 1 de Jean-François Richet.
    Un film à voir !
    https://www.youtube.com/watch?v=2FIx161gnH0&t=13s
    Bises et bon jeudi - Zaza

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    1. Chère Zaza,

      Merci de me préciser la date des faits, Novembre 1979. À cette époque, j'avais douze ans. Nous ne vivions pas en région parisienne mais dans la Sarthe, où l'ombre de Mesrine semblait pourtant s'étendre bien au-delà de la Capitale.

      Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai découvert qu'une connaissance de mon père, un certain Lelièvre de Beaumont-sur-Sarthe avait été enlevée. Et pour prouver que la menace était bien réelle, Mesrine lui aurait sectionné un doigt. C'est d'ailleurs mon père qui, effaré, a ouvert la boîte d'allumettes dans laquelle le doigt avait été envoyé à la famille, en guide de demande de rançon.

      Cette scène glaçante est restée gravée dans ma mémoire comme une empreinte de cette époque troublée.


      Merci pour le lien YouTube, c'est très attentionné de ta part. Cela dit, je dois te dire que j'ai eu l'occasion de voir récemment les films consacrés à Mesrine sur France Télévision. Une chose m'a particulièrement frappée : Le personnage que l'on y dépeint diffère profondément de celui que mon père évoquait à l'époque.

      Dans son regard, Mesrine n'était pas un héros contreversé, ni un hors-la-loi spectaculaire : C'était une menace bien réelle, brutale, presque palpable. Le récit cinématographique, bien que puissant, semble parfois esthétiser ce qui, pour mon père, relevait de la terreur pure.

      Cela m'a permis de mesurer à quel point les mémoires personnelles s'éloignent parfois des représentations publiques.

      Bien amicalement, Marie Sylvie



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  3. Glaçant. Je comprends que ce soit gravé dans ta mémoire. Lu ta réponse à Zaza

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